Perturbateurs endocriniens : le regrettable manque d’ambition de la commission européenne

 

 

En l’espace d’une semaine, la Commission Européenne aura suscité l’accablement des parlementaires européens, de la communauté scientifique et des associations de défense de l’environnement sur le dossier des perturbateurs endocriniens.

 

Alors qu’il était dans l’obligation légale de présenter des critères de test pour cette famille de polluants chimiques avant mi-décembre 2013, l’exécutif européen aura attendu deux ans et demi pour présenter ses conclusions, par l’intermédiaire de son Commissaire à la Santé, le lituanien, Vytenis Andriukaitis, ce 15 juin 2016. Des annonces qui ont aussitôt suscité un tollé général, en dépit de la satisfaction de M.Juncker, qui s’est félicité que « l’U.E soit le premier système réglementaire dans le monde à définir ces critères scientifiques sur le plan législatif ».

 

Il aura donc fallu attendre deux ans et demi, une condamnation de la Cour de la Justice Européenne, plusieurs résolutions du Parlement européen pour s’alarmer de son inertie avant que la Commission ne présente enfin une définition officielle des perturbateurs endocriniens –  pouvant à terme déboucher sur leur encadrement par une directive. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ses annonces font planer la menace d’une inquiétante régression en termes de prévention sanitaire selon de nombreuses ONG.

 

Rappelons que les perturbateurs endocriniens (PE) agissent sensiblement sur l’équilibre hormonal de nombreuses espèces vivantes. Chez l’homme, ces molécules peuvent altérer des fonctions telles que la croissance, le développement, le comportement et l’humeur, la production, l’utilisation et le stockage de l’énergie, la fonction de repos (le sommeil), l’hémodynamique et la circulation sanguine, la fonction sexuelle et reproductrice. Elles sont notamment présentes dans de nombreux pesticides et plastiques, dans certains cosmétiques ou conditionnements alimentaire.

 

Les critiques sur le texte présenté  par la Commission portent principalement sur l’abandon progressif du « principe de précaution » pourtant contenu dans la directive Pesticide adoptée en 2009. Ce principe implique notamment que toute substance en mesure de contenir des perturbateurs endocriniens et pouvant entrer en contact avec l’homme soit retiré du marché à titre préventif. Si certains PE ont déjà fait l’objet d’interdictions ou de restriction comme le Bisphénol A ou les phtalates, la plupart d’entre eux ne font l’objet d’aucun encadrement. Or, la Commission défend pour sa part  « l’évaluation des risques à un niveau de preuve très élevé » pour les substances se trouvant déjà sur le marché «afin de  mesurer plus efficacement leur nocivité ».

 

Pour l’ONG HEAL, représentante de plus de 70 ONG Santé-Environnement en Europe, le texte est porteur de régression car « il nous faudra des années de dégâts sur la santé avant de pouvoir retirer certains PE du marché ». Autre sujet de contestation, le niveau de preuve très élevé de toxicité exigé par la Commission pour certains PE alors que certaines études scientifiques prouvent déjà leur dangerosité. Pour l’eurodéputé Verts/ALDE Michèle Rivasi, la philosophie du texte va à l’encontre du droit européen « qui défend l’idée de l’évaluation des substances selon le danger intrinsèque qu’elles représentent et non pas le risque supposé qu’elles pourraient créer. »

 

 

Bien que l’industrie des phytosanitaires ait également fait part de sa « déception », le peu d’ambition dont fait preuve l’exécutif européen laisse penser que les intérêts économiques ont primé sur les impératifs sanitaires. Des Etats membres comme la France ou l’Italie ont déjà fait savoir qu’ils ne soutiendraient pas le projet lors de sa présentation au Conseil européen.