Révision de la directive détachement des travailleurs, un accueil mitigé

detachement artAnnoncé dans un de nos derniers articles, la commissaire à l’emploi, Marianne Thyssen a effectivement présenté, mardi 8 mars, la proposition législative concernant la révision ciblée de la directive de 1996 relative au détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services. Particulièrement attendue, celle-ci a finalement suscité que peu d’enthousiasme, certains jugeant la proposition trop timide, tandis que d’autres estiment qu’elle va trop loin.

 

Sans surprise, la mesure qui a figé les débats porte sur la rémunération. La volonté de la Commission européenne avait été résumée par le slogan « à travail égal, salaire égal sur un même lieu ».

 

Référence pour les conditions de rémunération

De nombreuses voix se sont élevées pour critiquer ce point précis. Pour rappel, la Commission propose de se référer aux règles fixées par la loi ou par des conventions collectives d’application générale pour fixer les conditions de rémunération des travailleurs détachés. Or, la Confédération européenne des syndicats (CES), l’Union européenne de l’artisanat et des petites et moyennes entreprises (UEAPME) et la Fédération européenne des travailleurs du bâtiment et du bois (EFBWW), souhaitent que les conventions collectives sectorielles et non universelles, servant actuellement de base dans certains Etats membres pour fixer les conditions de rémunération de ces travailleurs, fasse également partie du corpus des textes de référence.

 

Le groupe Parti populaire européen (PPE)

Il existe un schisme au sein du groupe concernant cette question, qui pourrait être résumé schématiquement en une division Est-Ouest. Le député néerlandais, Jeroen Lenaers, a félicité la Commission d’avoir présenté cette proposition qu’il juge « importante » et « très bonne ». Tandis que, sa collègue polonaise Danuta Jazlowiecka, l’a jugée prématurée et dangereuse pour la compétitivité des travailleurs de l’Europe centrale et de l’Est. Quant à l’Allemand Sven Schulze, il s’est montré réservé en estimant que l’intention était louable, mais qu’elle allait être difficile à mettre en œuvre.

 

Le groupe de l’alliance progressiste des Socialistes et Démocrates (S&D)

Le groupe salue ce pas vers la lutte contre le dumping social, mais souhaite que la Commission aille plus loin. Concernant la mesure limitant le détachement à 24 mois, la députée allemande Jutta Steinruck aurait souhaité, par exemple, que cette limite soit fixée à six mois pour le secteur du bâtiment fortement impacté par le détachement. Par ailleurs, là où la Commission laisserait le choix aux Etats membres d’appliquer les nouvelles dispositions sur les conditions de rémunération à toute la chaîne de sous-traitance, elle suggère d’en faire une obligation, tout comme la CES.

L’Ipse partage ce point de vu dès lors que cette coercition en matière de sous-traitance est indispensable pour lutter efficacement contre tout montage salarial, rendant les autres mesures visant l’objectif « à travail égal, salaire égal sur un même lieu » indirectement inopérantes.

 

Les débats à venir entre la Commission, le Parlement et le Conseil, avant que ces deux derniers ne co-décident dans les prochains mois la version finale à adopter, risquent d’être nourris et soutenus entre ceux prônant la lutte contre le dumping social et ceux redoutant les effets de cette révision sur la compétitivité.

 

Rappel des propositions phares

 

  Les règles relatives à la rémunération qui sont d’application générale aux   travailleurs locaux devront être également appliquées aux travailleurs détachés. La rémunération devra comprendre non seulement les taux de salaire minimal, mais aussi d’autres éléments, tels que les primes ou les indemnités le cas échéant.

Les États membres devront également préciser de façon transparente les différents éléments constitutifs de la rémunération sur leur territoire. Les règles fixées par la loi ou par des conventions collectives d’application générale deviennent obligatoires pour les travailleurs détachés dans tous les secteurs économiques.

Les États membres ont la possibilité de prévoir que les sous-traitants doivent accorder à leurs travailleurs la même rémunération que le contractant principal. Néanmoins, cela ne peut être fait que de manière non discriminatoire: la même règle doit s’appliquer aux sous-traitants nationaux et transfrontières.

• La réglementation nationale concernant le travail intérimaire s’applique lorsque des entreprises de travail intérimaire établies à l’étranger détachent des travailleurs.

• Si la durée du détachement dépasse 24 mois, les conditions prévues par la législation du travail des États membres d’accueil devront être appliquées, lorsqu’elles sont favorables au travailleur détaché.

Source : Commission européenne