Accord sur le travail détaché : une avancée pour l’Europe sociale ?

 

A l’issue d’une négociation de douze heures, les ministres du travail de l’UE sont enfin parvenus à un accord au sujet la révision de la directive sur le travail détaché. Réunis en Sommet à Luxembourg, ils se sont notamment accordés sur le principe d’une rémunération « à travail égal/ salaire égal » entre salariés détachés et nationaux. Intransigeante ces derniers mois sur la durée maximale légale du détachement, la France a été contrainte d’assouplir sa position pour obtenir le soutien de pays auparavant réticents à toute révision de la directive. Pour aboutir, le nouveau projet de directive devra faire l’objet d’une négociation trilogue entre la Commission, le Parlement et le Conseil. Le Parlement européen prend en effet position sur la révision de la directive ce jeudi sur la base d’un rapport de deux députées européennes – Agnès Jongerius (S&D) et Elisabeth Morin-Chartier (PPE). C’est seulement à l’issue de ce processus législatif que l’on pourra dire si la révision de la directive marque une véritable rupture.

 

Au sortir du Sommet européen des ministres du travail et des affaires sociales de l’UE, l’enthousiasme était de mise côté français. A l’issue de longues tractations, un accord a en effet été trouvé sur la révision du travail détaché. Pour le quotidien Le Monde, il s’agit bel et bien « d’une victoire française » pour avoir convaincu une majorité d’Etats membres de limiter de 24 à 12 mois la durée légale du détachement. Critiquée pour son intransigeance ces dernières semaines, elle aura finalement réussi à obtenir gain de cause sur ce point à la surprise de nombreux observateurs. Toutefois, la possibilité demeure pour les entreprises d’étendre la durée du détachement pour 18 mois à compter d’une demande motivée. Rappelons qu’à l’origine, le travail détaché dans le cadre de la CEE était limité à 6 mois, exceptionnellement renouvelable une seule fois.

 

Pourtant, la France semble bel et bien avoir mangé son chapeau sur le volet routier. Ce secteur ne fait en effet pas partie du champ d’application de la nouvelle directive. Pour éviter de s’aliéner le soutien de plusieurs pays de l’Est comme de l’Espagne et du Portugal, la France a en effet acté que le transport routier fasse l’objet d’une directive spécifique dont le contenu reste encore à définir.

 

Invité à réagir par notre partenaire Alternatives Économiques, Thiébaut Wéber, secrétaire confédéral de la CES[1], invite à nuancer la portée de l’accord obtenu à Luxembourg. S’il existe bien des avancées dans le projet négocié par les 28, notamment au niveau de la lutte contre la fraude, l’accord trouvé au Conseil est loin de régler tous les problèmes. Pour lui, la véritable clé de la réforme du détachement se trouve au Parlement européen.

Celui-ci doit en effet se prononcer sur la révision de la directive ce jeudi sur la base d’un rapport présenté par les eurodéputées Agnès Jongerius (S&D) et Élisabeth Morin Chartier (PPE).  Le texte soumis au vote est un compromis autrement « plus solide et ambitieux » qui n’exclut pas le secteur routier du champ de l’accord et prévoit même une application des accords collectifs à tous les travailleurs détachés.

 

Pour Thiébaut Weber, le rapport adopté jeudi par les eurodéputés « donnera le la » des futures négociations entre le Parlement, la Commission et le Conseil. Ce n’est qu’à l’issue de ces négociations tripartites que l’on pourra évoquer une avancée pour l’Europe sociale.

 

 

[1] Confédération européenne des syndicats