Autorité européenne du travail : accueil mitigé des syndicats

 

Annoncée début mars par la commissaire européenne aux affaires sociales Marianne Thyssen, la prochaine création d’une Autorité européenne du travail (AET) a reçu un accueil plutôt mitigé de la part des organisations syndicales. Si celles-ci s’accordent avec la Commission européenne sur la nécessité de mieux encadrer le marché du travail et de lutter contre la fraude au travail détaché, elles s’inquiètent toutefois du périmètre d’action limité de la future agence. L’annonce de Madame Thyssen intervient dans un contexte de différentes mesures de l’exécutif européen afin de promouvoir une plus grande équité sociale dans l’Union européenne.

 

D’abord annoncée par Jean-Claude Junker dans son discours sur l’état de l’union au mois de septembre 2017, la création d’une autorité européenne de travail est en voie d’être concrétisée après de récentes annonces de la commissaire aux affaires sociales Marianne Thyssen. Celle-ci a même décrit cette future agence comme le « le joyau de la couronne d’un marché du travail européen fonctionnel » dans une tribune parue dans le quotidien le Monde du 29 mars. Alors que les 28 États membres ont ferraillé l’espace de deux ans sur la révision de la directive concernant le travail détaché, et qu’un accord doit encore être trouvé avec le Parlement européen pour sa révision définitive, la commissaire se veut optimiste sur le rôle de la future Autorité. Dotée d’un budget de 50 millions par an, cette structure permanente comprendrait 140 agents, y compris des officiers de liaison détachés des États membres. Instaurée d’ici un an, elle devrait fonctionner à plein régime en 2023.

 

L’enjeu semble de taille alors que dans l’Union européenne alors que 17 millions de salariés, soit deux fois plus qu’il y a dix ans, vivent et travaillent dans un autre État membre que le leur. Indiquant que 80% des citoyens européens sont attachés à la libre circulation dans l’UE, la Commissaire présente le rôle de la future Autorité comme décisif pour permettre « aux citoyens et aux entreprises de trouver leurs marques sur un marché du travail de plus en plus européen en facilitant l’accès à l’information ». L’AET « servira aussi à renforcer la coopération entre les États membres pour s’assurer que les autorités nationales travaillent ensemble à faire respecter les règles communes ». Médiatrice en cas de conflit entre les différentes inspections du travail de l’UE, cette AET aura en outre un rôle important pour garantir l’accès à une protection sociale de qualité aux détenteurs d’un emploi indépendant ou atypique, lesquels représentent désormais 40% des travailleurs dans l’Union.

 

Annonces encourageantes pour les organisations syndicales européennes et bien qu’intervenant tardivement pour la Commission Junker, celles-ci s’annoncent toutefois perplexes sur la nature de la future Agence. Il n’est en effet pas prévu que l’AET mène des contrôles de manière indépendante. Elle aura pour principale mission de coordonner les enquêtes des États membres. Et c’est bien là que le bât blesse pour Franck Moreels, président de la Fédération européenne des travailleurs du transport (FET), notamment dans le fait que l’AET « n’intervienne pas lorsque des employeurs violent les règles du droit dans l’UE ». De son côté, la Confédération européenne des syndicats (CES) attend de la future agence « qu’elle se préoccupe de la protection des travailleurs – et non être encore un autre outil servant le marché intérieur ».

 

Sur le retour tant annoncé de l’Europe sociale par la Commission dans un contexte de reprise de l’emploi, plus que de slogans et d’annonces, les organisations syndicales attendent de solides garanties de la part des instances dirigeantes de l’UE.