Bilan social européen décevant pour 2014

L’Ipse a participé, mercredi 23 septembre, à la présentation de la publication phare de l’Observatoire social européen (Ose) et de l’Institut syndical européen (European Trade Union Institut ETUI) : Le bilan social de l’Union européenne, pour l’année 2014. Le portrait dressé par les auteurs dans l’étude, présente davantage d’ombres que de lumières en matière de politiques sociales certes, mais surtout au niveau de l’Union européenne en elle-même.             

 

Les auteurs de cette 16ème édition du « bilan social » ont décidé d’analyser l’UE dans son ensemble et non seulement ses politiques sociales, car la survie même du projet européen a été remise en question au cours de ces dernières années et notamment en 2014. Comme l’a rappelé Philippe Pochet, Directeur général d’ETUI et membre du Conseil d’orientation de l’Ipse, lors de la présentation de l’étude, l’Europe traverse actuellement trois crises majeures. En effet, à la crise économique qui affaiblit peu à peu la solidarité européenne, sont venues s’ajouter la crise géopolitique engendrée par l’agression russe en Crimée et le drame des flux de migrants et de réfugiés qui trouve une de ses principales racines dans la persistance du conflit syrien. La principale difficulté nous empêchant de  répondre efficacement à ces crises est la nécessité de mettre en place des coalitions « non naturelles » pour l’UE. De ce fait, nous voyons apparaître de plus en plus des lignes de fracture au sein de l’Union.

 

Dans ce contexte, l’UE est tiraillée entre d’une part, la convergence vers une unité politique – idée qui recueille de moins en moins de partisans que lors de la signature du traité de Maastricht par exemple – et d’autre part, le repli national. Il ne semble pas y avoir de troisième voie entre ceux deux extrêmes.

 

L’UE est un animal étrange, qui n’a pas su ou voulu compléter son évolution. Aujourd’hui elle se trouve dans un entre-deux avec d’un côté sa dimension supranationale et de l’autre les structures d’état-nation sur lesquelles elle se fonde. Cette contradiction permanente est à l’origine de ce que Vivien Schmidt, chaire Jean Monnet à l’université de Boston, appelle « la politique sans les politiques », entendant par-là que le débat et les structures politiques sont toujours nationales mais que la mise en place des décisions ne l’est plus. A titre d’exemple, Vivien Schmidt cite les cas de François Hollande et Matteo Renzi. Une fois arrivés au pouvoir, ils ont dû abandonner le programme pro-croissance sur lequel ils avaient été élus. Les citoyens européens se sentent dépossédés de leur pouvoir d’influence sur les décisions qui les concernent et s’interrogent de plus en plus sur la légitimité démocratique de l’UE. Une des pistes proposer par Vivien Schmidt pour contrecarrer cette tendance, est de rendre plus démocratique le semestre européen, qu’elle juge trop imposé par le haut, par le biais d’une renationalisation de son processus.

 

L’année 2014 a été marquée par le renouvellement des institutions européennes. A ce titre, la nouvelle Commission Juncker semble avoir soufflé un nouvel air et ravivé l’intérêt pour le dialogue social, suscitant beaucoup d’attente de la part des partenaires sociaux. Toutefois, ces derniers craignent que ce nouveau départ n’arrive trop tard et attendent que la Commission européenne passe à l’action.

 

Pour ce qui est du Parlement européen, la première campagne pour les élections avec le système du « spitzenkandidat[1] » semble avoir repolitisé son rôle, en plus de donner une plus grande légitimité au président de la Commission.

 

En conclusion, malgré quelques nouveautés encourageantes, 2014 n’a pas été marquante en termes de changements positifs pour l’UE et ses politiques sociales. Le projet européen semble naviguer toujours entre deux eaux, d’une part la méthode des petits ajustements qui lui permet de survivre et d’autre part le cataclysme qui pourrait constituer tout aussi bien sa fin que sa renaissance.

 

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[1] Selon le traité de Lisbonne (art. 17 § 7), le président de la Commission européenne est désormais la tête de liste du parti majoritairement élu aux élections européennes.