Cour européenne : fin de la CSG-CRDS sur les revenus fonciers des Français travaillant dans un autre Etat membre ?

Les contributions perçues sur les revenus du patrimoine d’une personne résidant en France, mais travaillant dans un autre Etat membre, et spécifiquement affectées au financement de la sécurité sociale française (CSG, CRDS et autres), n’est pas conforme au droit communautaire. Elles seraient incompatibles tant avec l’interdiction du cumul des législations applicables en matière de sécurité sociale, qu’avec la libre circulation des travailleurs, selon les conclusions de l’avocat général Eleanor Sharpston (C-623/13), présentées le 21 octobre, devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

 

Dans la présente affaire en cours devant la CJUE, M. de Ruyter, résident fiscal français mais travaillant aux Pays-Bas, refuse de payer notamment la CSG et la CRDS sur les revenus découlant de contrats de rente viagère conclus aux Pays-Bas, arguant qu’en sa qualité de travailleur salarié néerlandais, il relève exclusivement de la législation de sécurité sociale de cet Etat membre. Ce raisonnement, infirmé par les juges de première instance, a été confirmé par la Cour d’appel, qui « l’a déchargé des diverses cotisations sociales appliquées aux rentes viagères qu’il avait perçues », retenant « que M. de Ruyter avait déjà été assujetti à des contributions sociales sur ces revenus aux Pays-Bas » et que « par conséquence, la perception de contribution sociales additionnelles en France constituait une entrave à ses droits à la libre circulation ».

 

La ministre du Budget a donc saisi le Conseil d’Etat, qui a annulé les arrêts et a demandé à la CJUE de statuer à titre préjudicielle sur l’application du règlement 1408/711 aux prélèvements fiscaux sur les revenus du patrimoine, du simple fait qu’ils participent au financement de régimes obligatoires français de sécurité sociale.  

 

Ce n’est pas la première fois que la France doit défendre sa politique de prélèvement de cotisations sociales devant la CJUE. La Cour a déjà jugé dans deux arrêts de 2000 que les prélèvements de CSG et CRDS sur les revenus d’activité et de remplacement des travailleurs résidant en France, mais soumis à la législation de sécurité sociale d’un autre Etat membre, étaient incompatibles avec l’interdiction de cumul des législations applicable en matière de sécurité sociale, ainsi qu’avec la libre circulation des travailleurs.

 

Selon l‘avocat général, la France a de nouveau manqué à la règlementation communautaire. Le fait qu’en France « la CSG sur les revenus du patrimoine soit considérée […] comme une imposition supplémentaire sur le revenu et non comme une cotisation de sécurité sociale distincte et qu’elle soit collectée et contrôlée par les autorités fiscales […] n’a pas d’incidence sur le point de savoir si cette contribution relève ou non du règlement n° 1408/71 ». Par ailleurs, concernant l’argument central du gouvernement français, elle estime que le simple fait que les contributions soient perçues sur des revenus qui ne sont pas liés à une activité professionnelle ne suffit pas à écarter l’application du règlement 1408/71 – qui ne fait d’ailleurs aucune distinction fondée sur la nature du revenu – considérant qu’elle « font tout autant obstacle à la libre circulation des travailleurs ». Eleanor Sharpston va même plus loin en affirmant que « même dans le cas où l’État membre d’emploi ne perçoit pas de contributions sociales sur les revenus du patrimoine, l’inégalité de traitement subsiste » dès lors que le principe d’unicité de la législation applicable n’est pas garanti à tous.

 

En France, parallèlement à cette procédure judiciaire et à la demande notamment de Frédéric Lefebvre, le secrétaire d’Etat chargé du budget, Christian Eckert, a accepté de réunir un groupe de travail au ministère, le 31 octobre prochain, sur cette question de l’imposition aux prélèvements sociaux des revenus fonciers des Français établis hors de France.

___________________________________________________________ 

1 : relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté