Directive sur la protection du secret des affaires : et les citoyens dans tout ça ?

Grâce au scandale des « Panama papers » la Directive sur la protection du secret des affaires sort de l’ombre et inquiète les défenseurs du droit à l’information.

 

Officiellement, cette directive a pour but de protéger les entreprises contre l’espionnage industriel. Il s’agit essentiellement d’en préserver les PME ainsi que les entreprises innovantes. En 2013, une entreprise européenne sur quatre a fait état d’au moins un vol d’informations selon la Commission. Grâce à cette directive, chaque entreprise pourra déterminer si une information ayant pour elle une valeur économique peut être ou non divulguée. Et les contrevenants seront poursuivis.

 

Toutefois, cette notion de secret des affaires est plutôt floue : selon l’article 2, des informations sont jugées secrètes si elles « ne sont pas généralement connues de personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre d’information en question ». Cette imprécision peut donner lieu à des abus de la part des entreprises sur la nature des informations jugées secrètes.

 

En effet, qu’adviendra-t-il des lanceurs d’alertes, des journalistes ou même des scientifiques qui peuvent avoir besoin de divulguer ces informations dans l’intérêt de leur travail ? Cela ne pourrait-il pas empêcher les médias de rendre public de nouvelles affaires de l’ampleur des « Panama papers » ?

 

Selon Constance Le Grip, eurodéputée UMP-PPE, pas de souci à se faire : la directive établit des exceptions dont un « usage légitime du droit à la liberté d’expression et d’information » ainsi que la « révélation d’une faute, d’une malversation ou d’une activité illégale du requérant ». Ces dérogations sont valables lorsqu’il s’agit de protéger l’intérêt public général. De plus, il s’agit d’une loi-cadre  qui fera l’objet d’applications dans les différents états. C’est ainsi que ce jeudi 14/04/16 à midi, les députés ont adopté la directive sur la protection du secret des affaires: 503 voix pour, 131 contre et 18 abstentions.

 

Pourtant, malgré le ton rassurant de l’eurodéputée, rien dans le texte ne garantit que les journalistes ne puissent pas être condamnés pour avoir fait leur travail. Or les citoyens ont le droit d’être informés de ce qui les concerne ! Placements, paradis fiscaux, licenciements, tout cela a un impact direct sur la population! On peut craindre une immunité des entreprises dont les agissements frauduleux ou abusifs  seraient cachés du grand public.

 

De plus, ce texte est le fruit d’un lobbying acharné des multinationales et le grand public n’a pas été tenu au courant de son avancement. Les citoyens n’ont donc pas eu l’opportunité de se mobiliser pour le modifier ! Les Verts, par exemple, auraient souhaité que la notion de « secret des affaires » s’applique seulement dans quelques cas précis et ne constitue pas la règle.

 

Et voici que désormais l’Europe, terre d’asile pour les écrivains victimes de censure, peut condamner les lanceurs d’alertes…