La directive relative au travail intérimaire devant la CJUE

C’est la première fois qu’un litige relatif à la directive sur le travail intérimaire est porté devant la CJUE. Synthétiquement, il s’agit de savoir si la règlementation nationale, par le biais de ses conventions collectives par exemple, peut autoriser l’emploi de main d’œuvre intérimaire au-delà de cas précis, pendant une longue durée, dans le cadre d’activités ordinaires de l’entreprise.

 

La CJUE a été saisie par une juridiction finlandaise, le 9 septembre dernier, dans le cadre d’un contentieux entre le syndicat finlandais AKT, représentant les travailleurs du secteur du transport et Shell Aviation Finland Oy, une entreprise du secteur pétrolier (aff. C-533/13). Les questions introduites devant les juges européens portent donc sur l’article 4, paragraphe 1 de la directive 2008/104/CE sur le travail intérimaire, qui dispose que « les interdictions ou restrictions concernant le recours aux travailleurs intérimaires sont uniquement justifiées par des raisons d’intérêt général tenant, notamment, à la protection des travailleurs intérimaires, aux exigences de santé et de sécurité au travail ou à la nécessité d’assurer le bon fonctionnement du marché du travail, et d’empêcher les abus ».

 

Dans quel sens cette disposition doit-elle être interprétée ? Impose-t-elle la suppression des restrictions ou interdictions présentes dans la règlementation nationale ? Dans leur argumentaire, les employeurs finlandais répondent par l’affirmative, tandis que les syndicats prônent le contraire. Les représentants de quatre Etats membres (Finlande, Suède, Allemagne, Norvège) sont intervenus lors des plaidoiries afin d’arguer que la base légale de la directive n’impose pas aux Etats membres de lever lesdites interdictions ou restrictions, convenues au niveau national. La Commission européenne a défendu la même position.

 

Au regard de l’importance des enjeux de l’affaire, la Confédération européenne des syndicats (CES) est également montée au créneau. Elle dit soutenir « pleinement les syndicats finlandais dans leur combat contre cette action, qui potentiellement, pourrait avoir des conséquences très dommageables ». Selon la Secrétaire confédérale de la CES, Veronica Nilsson, « en soulevant cette affaire, les employeurs tentent simplement de réduire leurs coûts et d’augmenter leurs bénéfices au détriment des travailleurs ». Dans le contexte actuel du marché du travail, où la majorité des emplois créés sont des emplois précaires, « la CES appelle la CJUE à rejeter la tentative flagrante des employeurs de réécrire la loi à leur seul profits […] ».
L’avocat général prononcera ses conclusions le 20 novembre.