Les peuples ont voté : quels premiers enseignements ?

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Jean-Pierre Bobichon, administrateur de l’Ipse

A la suite des résultats des élections de ce dimanche, nous publions la réaction de Jean-Pierre Bobichon, administrateur de l’Ipse depuis 25 ans et toujours conseiller de Jacques Delors, après une carrière comme fonctionnaire européen auprès des partenaires sociaux.

Bernard Petit-Jean, Président du Conseil d’orientation de l’Ipse, et Dominique Boucher, Délégué général de l’Ipse, ont contribué à ce texte.

 

 

 

L’ABSTENTION :

 

L’abstention, en France, n’est pas, hélas, un phénomène nouveau dans le contexte des élections européennes : 39,3% en 1979, 43,3% en 1984, 51,2% en 1989, 47,3% en 1994, 53,2% en 1999, 57,2% en 2004, 59,4% en 2009.

 

Les résultats des élections européennes reposent sur la proportionnelle intégrale. Quoi de plus démocratique a priori ? Oui, mais à la condition que tous les citoyens soient acteurs en participants massivement aux élections. Dans le cas contraire, comme c’est la situation suite à ces élections, c’est la voie ouverte aux forces politiques extrêmes.

 

S’abstenir, c’est laisser à d’autres le pouvoir de décider des orientations, d’élire nos représentants et de peser sur la composition des institutions européennes. Trop facile !

 

En Europe la poussée des extrêmes droites est importante. La France est une tête de cette nouvelle donne. On peut s’interroger : est-ce par conviction ou bien par protestation ? Certainement un mélange des deux.

 

Il faut resituer les résultats de ces élections européennes à leur juste niveau car si le Front National, en France, obtient un résultat de 25,1%, il est à mettre en parallèle avec un taux d’abstention de 56,8% en France et de 56,9% dans l’Union européenne.

 

 

QUE LES POLITIQUES ASSUMENT LEURS RESPONSABILITÉS :

 

Ceci étant, la réalité est là : plus d’Europe n’est plus la préoccupation essentielle des populations et ceci, on le doit à plusieurs attitudes et manques de responsabilités assumées.

 

Quand les décisions sont prises dans le circuit institutionnel –  la Commission européenne qui propose, le Comité économique et social européen et/ou le Comité des régions qui sont consultés pour avis, puis le Parlement, parfois en co-décision avec le Conseil des ministres qui décident – qui prend la responsabilité d’expliquer les décisions ?

 

Qui, trop souvent, laisse mettre en avant « Bruxelles » comme une nébuleuse incompréhensible qui déciderait de tout sur tout et pour tous ? Qui utilise l’Union européenne à des fins de politiques intérieures propre à un Etat membre, voire pire, pour des règlements politiques internes à des partis politiques ? Dans tous les cas, beaucoup de nos responsables politiques sont responsables des situations connues dans la plus part de Etats membres et qui se concrétisent à nouveau pour ces élections européennes.

 

 

QUELQUES INTERROGATIONS QUI MÉRITENT RÉFLEXION

 

Ne faut-il pas en France, et même ailleurs, revoir le mode d’organisation des circonscriptions électorales pour les élections européennes ? Car l’organisation de ces élections relève de chacun des Etats membres. Le phénomène « grande région », par exemple, accentue le phénomène d’éloignement des institutions européennes. Qui connaît les députés européens ? Qui connaît les membres des régions qui siègent au Comité des régions ? Qui connaît les Conseillers au Comité économique et social européen ?

 

Ne faut-il pas revoir les critères permettant à des listes de se constituer pour s’engager dans une campagne électorale européenne ? Exemple en France : 31 listes présentes pour la région Ile-de-France ! Avec 31 panneaux électoraux dont plus de la moitié n’ont même pas été couverts par du matériel électoral !

 

Bien sûr, nous devons prendre le temps de l’analyse, de la réflexion aboutissant à des propositions. Dans cette période troublée, la société civile organisée, dont l’Ipse, a un rôle à jouer. Nous devons être le rempart des libertés garanties, promouvoir et innover de nouvelles solidarités par des propositions assumées, des réactions collectives organisées, et ainsi nous faire entendre.

 

 

Et puis n’oublions pas – jamais – le drame qui s’est déroulé à Bruxelles le samedi 24 mai : 4 morts dans le musée juif la veille de cette élection européenne, comme s’il fallait nous rappeler que l’antisémitisme – si cela se confirme – est là et bien là, hélas, sournois mais encore capable de frapper partout et à tout moment. Cela a aussi été le cas à Créteil, ce samedi 24 mai également, mais en banlieue parisienne où des personnes ont été tabassées parce que porteur de kippas.

 

Et puis il y a l’espoir : Ce dimanche 25 mai, le même jour que les élections européennes (ce qui n’est pas un hasard), les élections à la présidence de l’Ukraine où pour la première fois les citoyens et citoyennes ont pu exprimer leur choix dans un contexte politique, social, économique difficile. Quelle belle leçon de participation au scrutin au risque, dans certaines régions d’Ukraine, de se faire tirer dessus pour accomplir son devoir électoral … en 2014 !

 

 

Ne baissons pas les bras. On a connu d’autres difficultés, d’autres crises, l’Union européenne appartient à tous les Européens : continuons d’agir, pour poursuivre ensemble la construction européenne que nous voulons, car ce sont dans les tempêtes que l’on reconnaît les vrais marins !