Marianne Thyssen, la carte sociale de la Commission Juncker

Alors que les auditions au Parlement européen se sont révélées être de véritables chemins de croix pour certains commissaires candidats (la Slovène Alenka Bratusek retoquée, le portefeuille du Hongrois Tibor Navracsics en suspens, …), Marianne Thyssen, commissaire candidate à l’Emploi, aux Affaires sociales et à la Mobilité des travailleurs,  a passé, le 1er octobre, haut la main son audition, s’affichant comme le nouveau « visage social » de la future Commission.

 emploi

Dans son introduction jugeant « inacceptable » une Europe comptant 26 millions d’hommes et de femmes sans emplois, dont 7,5 millions de jeunes et 127 millions d’Européens en risque de pauvreté ou d’exclusion sociale, Marianne Thyssen (belge, membre du CD&V flamand, parti affilié au PPE) a fait de la recherche de « l’équilibre entre la compétitivité du marché du travail européen et la protection sociale des travailleurs » son fil conducteur pour ces cinq prochaines années. Elle se présente ainsi comme « une partisane de l’économie sociale de marché ou responsabilité et solidarité vont de paire ».
Responsable d’un portefeuille où l’Emploi et les affaires sociales sont enrichis de la « mobilité des travailleurs » (mais amputé de « l’inclusion »), la future commissaire se fixe quatre priorités pour les cinq prochaines années :

 

  •   la création d’emploi, avec une attention toute particulière pour les PME « qui ont besoin de conditions favorables pour développer leurs activités traditionnelles et innovantes » ;
  •   l’accès à l’emploi, face un chômage massif, notamment des jeunes, une main d’œuvre vieillissante, des problèmes de qualification, l’instabilité de l’emploi, etc.
  •   l’accroissement des compétences et des qualifications de la main d’œuvre ;
  •   enfin, la protection sociale, « un investissement clé pour notre prospérité » mais dont les systèmes doivent toutefois être plus efficaces et mieux orientés.

Pour parvenir à ces objectifs, Marianne Thyssen n’a pas annoncé de nouvelles mesures législatives mais s’est engagée à œuvrer à une meilleure utilisation des instruments existants. Elle entend, au niveau financier, utiliser le plan de 300 milliards d’euros annoncés par le Président Juncker pour  stimuler les investissements afin de créer de l’emploi ces trois prochaines années, mais aussi les fonds structurels (fonds social européen, fonds d’adaptation à la mondialisation, fonds européen d’aide aux plus démunis) pour faire « levier sur l’emploi ». Il s’agit également de mieux utiliser l’initiative pour l’emploi des jeunes.

 

Tout en se refusant de critiquer les plans d’austérité imposés dans certains Etats, elle considère que les recommandations économiques de la Commission européenne doivent accorder une importance bien plus grande aux indicateurs sociaux, voire les mettre au même niveau que les indicateurs économiques. Marianne Thyssen a par ailleurs eu l’occasion de valoriser longuement le dialogue social, présentant les partenaires sociaux comme « un bien dans notre société », et s’est engagée à travailler avec M. Dombrovskis (futur Vice-président en charge de l’Euro et du dialogue social).

 

Détachement, congé maternité et salaire minimal en question

 

Suite à l’engagement de Jean-Claude Juncker d’opérer une révision ciblée de la directive sur les travailleurs détachés, de nombreux députés ont interrogé Marianne Thyssen sur la question.  La future commissaire a répondu qu’elle souhaitait d’abord mettre en œuvre la directive d’application récemment adoptée, avant d’envisager d’engager dans deux ans  une évaluation sur son application et éventuellement envisager des discussions sur sa révision.

 

Très attachée à la thématique de l’égalité des genres, Marianne Thyssen a également été interrogée sur la directive harmonisant le congé maternité (et paternité) au niveau européen, actuellement coincée par le Conseil de l’UE. La future commissaire s’est montrée ouverte à la réouverture des discussions, tout en concédant qu’il faudrait certainement revoir les ambitions à la baisse quant à ce texte.

 

La commissaire candidate s’est aussi déclarée, à titre personnel, favorable à l’établissement d’un salaire minimal ou revenu minimum européen. Marianne Thyssen a toutefois souligné que ceci n’entrait pas dans le champ de compétences de la Commission européenne, même si elle pouvait inciter les Etats membres à en mettre en place.

 

Marianne Thyssen a terminé son audition en donnant rendez-vous en fin de mandature pour évaluer l’action de la nouvelle Commission : « si dans cinq ans nous sommes en mesure de dire que l’Europe a plus d’emploi et que la pauvreté a reculé alors nous aurons fait la différence pour nos citoyens ». Si son audition a pu enthousiasmer les observateurs ou laisser plus dubitatif, personne ne conteste sa légitimité de commissaire à l’Emploi et aux affaires sociales.