Transport routier : Comment mettre un frein au dumping social ?

Emmenés par la Pologne, onze états membres de l’Union européenne ont officiellement protesté contre les nouvelles règles édictées par la France dans le domaine du transport routier ce 8 juin dernier. Dans leur viseur, un volet de la loi Macron devant entrer en vigueur au 1er juillet. Le texte prévoit en effet que tout chauffeur routier salarié d’une entreprise non-résidente en France soit rémunéré au Smic lors de son passage sur le territoire français. En outre, il est demandé aux chauffeurs d’emporter avec eux leur contrat de travail et une attestation de détachement en cours de validité. Dans la foulée de cette protestation, la Commission européenne enclenchait une procédure d’infraction contre la France le 16 juin. L’exécutif européen juge en effet ces mesures  discriminatoires, car elles remettent en cause la libre circulation des biens et des marchandises garantie par de nombreux traités.

 

Sujet politique extrêmement sensible, la règlementation sociale dans le domaine du transport routier fait l’objet de passes d’armes récurrentes entre États membres de l’UE. Une ligne de fracture est nettement établie entre les pays les plus avancés socialement et les pays de l’ancien bloc communiste. Les transporteurs de l’Est ont en effet tiré un profit considérable de leur politique salariale à bas coût pour s’implanter durablement sur le marché intérieur – fragilisant de fait les opérateurs de pays aux réglementations sociales plus abouties.

 

Après l’Allemagne l’an passé, c’est donc au tour de la France de s’attirer les foudres de la Commission. Dans un communiqué publié pour justifier sa procédure d’infraction lancée contre la France, la Commission considère que « l’application du salaire minimum à certaines opérations de transport international n’ayant qu’un lien marginal avec le territoire de l’État membre d’accueil ne saurait être justifiée, en ce qu’elle crée des obstacles administratifs disproportionnés au bon fonctionnement du marché intérieur. » Tout en reconnaissant « le principe d’un salaire minimum, car il permet d’assurer l’équité sociale et correspond aux engagements de la Commission Juncker en matière de politique sociale », l’exécutif européen, « gardien des traités », avance que les mesures prises par Paris ne sont pas compatibles avec les normes en vigueur dans l’U.E.

 

Pour rassurer le couple franco-allemand sur sa volonté de combattre le dumping social, la Commission insiste sur son engagement à réviser la Directive sur le travail détaché avant la fin de l’année. Elle promet également à court terme une réévaluation des règlementations relatives au transport routier.

 

Dans ce communiqué, la Commission européenne omet toutefois de préciser qu’elle s’est déjà heurtée à l’opposition frontale de plusieurs Etats membres sur ces deux questions. Sur le travail détaché notamment, elle a recueilli un « carton jaune » de la part de dix pays d’Europe centrale et orientale, compromettant sérieusement un dénouement à moyen terme d’un autre phénomène critiqué pour favoriser le dumping social à l’échelle de l’Union.

 

Lors des dernières Assises du Transport et de la Logistique, organisées par notre adhérent le Groupe Klésia, Dominique  Boucher a été sollicité pour apporter les conclusions à cette manifestation d’exception réunissant les partenaires sociaux de ces secteurs, couverts en protection sociale par la Carcept et l’Ipriac, institutions Klésia.

 

Le délégué général de l’Ipse avait dès lors insisté sur les considérables méfaits d’une non régulation économique et sociale du « cabotage». Un consensus s’était établi entre représentants des entreprises présentes et fédérations syndicales des travailleurs, pour exiger de la Commission européenne une plus grande considération des périls d’une politique de déréglementation aveugle.

 

Nous avons encore, avec le concours de parlementaires et de membres du Comité économique et social, à poursuivre des actions de sensibilisation et de lobbying pour réunir les conditions d’une aire européenne de libre circulation réglementée dans le sens d’une concurrence loyale et de droits sociaux conséquents et harmonisés.