Affaire Barroso : La Commission tique sur l’éthique

 

Révélée l’été dernier, la nomination de José Manuel Barroso au sein de la banque Goldman Sachs a profondément agité le landernau européen. Ce pantouflage au sein d’une banque connue comme la principale responsable du déclenchement de la crise des subprimes a porté un coup terrible à la crédibilité des institutions européennes, en plus de constituer une véritable aubaine pour les eurosceptiques quelques semaines après la victoire du Brexit. Depuis, d’autres soupçons de conflits d’intérêts et non des moindres émaillent régulièrement  la vie tumultueuse des organes décisionnels de l’U.E.  Quelques membres de l’ancienne Commission Barroso semblent en effet particulièrement disposés à pratiquer un mélange des genres qui en dit long sur la conception de certains hauts dignitaires européens de la notion d’intérêt général.

 

Songeons notamment à Nelly Kroes, ancienne commissaire à la concurrence entre 2004 et 2010 et qui,  après avoir rejoint l’américain Über,  s’est récemment vu épinglée pour la détention de plusieurs comptes off-shore aux Bahamas. Toujours dans le domaine des transports, l’ancienne commissaire au climat entre 2010 et 2014 a rejoint fin septembre le groupe Volkswagen en qualité de conseillère pour le développement durable. Devant le tollé suscité par cette nomination, la firme allemande a tenu à préciser que Connie Heedegard ne sera « [que] conseillère à titre bénévole ». Les nombreux particuliers floués lors de l’affaire des moteurs diesel ou essence truqués apprécieront.

 

Ces différents cas de conflit d’intérêts ont poussé le Parlement à réclamer des comptes à la Commission jugée trop laxiste. Le 4 octobre, les parlementaires exigeaient de l’exécutif européen un tour de vis supplémentaire et une refonte du code de bonne conduite existant. Dans le même temps, de nombreuses pétitions émanant de fonctionnaires européens et reprises par le Parlement demandent la fin du versement des traitements aux anciens commissaires suspectés de compromission avec des intérêts privés durant leur mandat. Réunis pour le vote du budget 2017 en assemblée plénière le 26 octobre, les eurodéputés, tous groupes confondus, votaient un amendement déposé par le groupe écologiste pour un encadrement plus strict du code de bonne conduite des commissaires.

 

Quelques jours plus tard, la réunion d’un comité d’éthique devant statuer sur le cas de Mr Barroso pouvait laisser espérer une prise en compte des demandes des eurodéputés. Saisi par la Commission – près de deux mois après le déclenchement de l’affaire ! – le comité tout en reconnaissant le choix « peu  judicieux » de Mr Barroso rejetait tout conflit d’intérêts. L’ancien président portugais de la CE a en effet bien respecté la règle de « refroidissement » voulant que tout haut fonctionnaire attende un délai de 18 mois avant de rejoindre un groupe privé tout en informant son ancien employeur. Un délai respecté ici… Toutefois ce comité ne semble pas avoir pris en compte les informations du quotidien portugais Publico laissant indiquer dans son édition du 30 septembre que Mr Barroso se trouvait en contact avancé avec l’état-major de la banque américaine durant l’exercice de son mandat. Un avis non contraignant certes, que la porte-parole de la Commission s’est engagée à prendre compte dans  « l’éventualité d’une  modification du code de bonnes conduites ».

 

Le manque de réactivité de l’exécutif européen suscite des interrogations tant ces différentes affaires apportent de l’eau dans un volume conséquent au moulin eurosceptique. La composition même du comité d’éthique a soulevé les critiques des ONG militant pour plus de transparence au niveau des instances de l’U.E…  A la suite du pasteur et résistant allemand Martin Niemöller  ne pouvons-nous pas conclure au sujet de cette affaire : « Pire que le bruit des bottes, le silence des pantoufles ! »