Interdiction de trois Néonicotinoïdes : l’attentisme européen en question

 

 Le 27 avril, l’Union européenne a interdit trois néonicotinoïdes, une famille d’insecticides tenus pour responsables de la dramatique disparition des abeilles. A l’issue de la réunion du comité spécial en charge de ce dossier, une majorité des représentants des 28 États membres a voté en faveur de l’interdiction de trois substances dont l’usage était déjà restreint dans l’UE depuis 2013. Si le commissaire européen à la santé Vytenis Andriujaitis s’est montré réjoui de l’adoption de ce vote, de nombreux observateurs du dossier ont fait montre d’une certaine circonspection quant à son adoption tardive. Parmi les premiers concernés, les apiculteurs redoutent en effet que les lobbys de l’industrie pétrochimique ne fassent pression sur la Commission pour permettre l’arrivée sur le marché de nouvelles substances toutes aussi dangereuses.

 

Un vote salutaire mais qui pose encore des questions. Votée à une courte majorité d’états membres, l’interdiction des néonicotinoïdes dans l’Union européenne a été accueillie avec un certain soulagement par les associations de défense de l’environnement. Depuis leur mise sur le marché dans les années 90, ces insecticides « tueurs d’abeilles » sont considérés comme responsables de l’effondrement des populations d’insecticides pollinisateurs. Présenté comme préventif, leur usage a pourtant progressivement contaminé l’environnement et les fleurs sauvages. De nombreuses études scientifiques ont révélé les effets désastreux sur l’ensemble de la flore. Dans leur ensemble, les méthodes de protection des cultures liées à l’agriculture productiviste auraient provoqué jusqu’à 80% des insectes depuis les années 80 d’après la revue scientifique allemande PLoS ONE.

 

Si les effets néfastes des néonicotinoides sont dénoncés depuis une vingtaine d’années par les apiculteurs, comment expliquer que les décideurs politiques ait tant tardé à interdire leur usage ? L’intense lobbying des industries pétrochimiques explique en très grande partie cet attentisme. Régulièrement pointée du doigt pour ses liens avec les industriels, l’Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA) ne s’est prononcée sur leur dangerosité pour certaines espèces d’insectes pollinisateurs qu’en février 2018.

Les différents groupes de pression du secteur des produits phytosanitaires se montrent encore combatifs malgré cette interdiction. Réagissant au vote des Etats membres, la firme Bayer préférait incriminer les agriculteurs qui ne respectent pas les conditions d’utilisation de ses produits plutôt que de reconnaitre leur nocivité. La bataille semble encore loin d’être gagné pour les apiculteurs et leurs soutiens. La très libérale Cour de justice européenne, saisie par les fabricants de néonicotinoïdes doit statuer sur leur interdiction de le 17 mai.

 

Vote essentiel pour l’avenir de la biodiversité, d’après l’eurodéputé social-démocrate Eic Andrieu, il implique toutefois de demeurer vigilant. Les apiculteurs évoquent l’existence sur le marché du thiaclopride, un néonicotinoïde non concerné par le vote du 27 avril et dont les effets seraient particulièrement nocifs.