La refonte la Politique agricole commune reportée au lendemain des élections européennes ?

 

Annoncée par la Commission européenne le 1er juin 2018, la refonte de la politique agricole commune (PAC) soulève de nombreuses inquiétudes parmi les États-membres. Lors de la présentation de ses nouvelles orientations budgétaires pour la période 2021-2027, l’exécutif européen défendait notamment une baisse du budget de la PAC à hauteur de 5%. Pour justifier ce choix, le commissaire européen à l’agriculture, l’irlandais Phil Hogan, ces coupes s’expliquent en raison de la baisse de son budget global lié au départ du Royaume-Uni de l’UE. Une fronde réunissant 19 pays dont la France s’est alors formée pour critiquer les projets de la Commission. Craignant une « renationalisation de la PAC », ces États-membres ont notamment fait valoir le risque d’un appauvrissement des exploitants agricoles et d’une aggravation de la distorsion de concurrence entre les différentes agricultures de l’UE. Récemment, le Parlement européen s’est également montré très critique envers les intentions de la Commission en appelant à un report à 2023 de l’application de la nouvelle PAC.

 

Début juin 2018, la présentation du budget pluriannuel de l’UE, la Commission européenne a fait l’objet d’un véritable coup de tonnerre dans le Landerneau bruxellois. L’exécutif européen annonçait son intention de baisser le budget de la Politique agricole commune de 5%. Historiquement premier poste de dépenses de l’UE, la PAC se voyait ainsi reléguée au second rang au profit de la cohésion entre les États membres.

 

Pour la Commission, il importe de « simplifier et de moderniser » le budget de la PAC et de décentraliser certains postes de décisions afin de laisser une certaine marge de manœuvre aux États selon leurs besoins en termes sociaux, économiques et environnementaux. C’est au sujet de cette décentralisation que les craintes se font le plus manifestes parmi les principaux bénéficiaires de la PAC. Craignant « une distorsion de concurrence » entre États membres, une petite vingtaine d’États membres conduits par la France rejettent le projet porté par la Commission. La crainte que les agriculteurs reçoivent moins d’aides directes alors que leur situation économique est le plus souvent très précaire, Paris mène également la fronde au sujet de ce taux de 5%, lequel « ne tiendrait pas compte de l’inflation » et représenterait in fine une baisse globale du budget de « 15 à 20% ».

 

Devant le mécontentement d’une majorité d’États membres, la Commission semble vouloir jouer la montre et laisser à l’exécutif qui lui succédera au sortir des élections européennes de 2019 la capacité de définir avec le Conseil et le Parlement sur les contours précis de ce budget.

 

Dans ses premiers travaux sur cette refonte annoncée de la PAC, le Parlement européen a fait montre d’une certaine sévérité à l’égard des projets avancées par la Commission. Le 21 novembre verra la réunion de la commission de l’agriculture du PE afin qu’elle fasse part de ses préconisations sur le sujet. Déjà, toutes tendances confondues, cette baisse du budget global de la PAC a fait l’objet de critiques sur le manque d’ambition de la Commission notamment sur le volet environnemental de son projet.

 

L’eurodéputée espagnole Herranz Garcia (PPE, droite), rapporteur sur les futurs plans stratégiques de l’UE, a récemment publié un rapport préconisant un report de la réforme de la PAC à 2023 tout en critiquant les coupes budgétaires prônées par la Commission. Défendant un « plus grand verdissement des aides » ainsi qu’un soutien plus franc aux jeunes agriculteurs et une meilleure assurabilité des exploitants confrontés à des phénomènes naturels, l’eurodéputée entend concilier des options souvent divergentes entre États membres.

 

L’hypothèse d’un accord au sujet de la refonte de la PAC avant l’échéance électorale de 2019 semble difficilement tenable. De par les divergences entre Etats membres et l’actuelle Commission, tant sur les objectifs de la nouvelle PAC que sur son montant global, chacun semble décidé à jouer la montre en attendant l’issue des élections du mois de mai prochain. La projection d’un Parlement européen et d’une nouvelle Commission dominés – même de façon relative – par des formations d’extrême-droite pourraient bien avoir raison d’une Politique agricole commune ambitieuse et écologiquement soutenable.

 

La Politique agricole commune en quelques chiffres

Prévue par le traité de Rome du 25 mars 1957 et entrée en vigueur le 30 juillet 1962, la PAC a, depuis, beaucoup évolué. Elle consiste aujourd’hui en deux piliers : le premier pilier, un soutien du marché, des prix et des revenus agricoles, et le second pilier, le développement rural, créé en 1999. Pour la période 2014-2020, elle compte pour environ 43 % du budget total de l’UE (129,1 milliards d’euros), soit 55,5 milliards. Ce budget est financé par le produit des droits de douanes à l’entrée, un prélèvement sur la TVA et une cotisation d’environ 0,73 % du revenu national brut — certains pays ayant obtenu un rabais sur cette cotisation, l’ensemble ne pouvant dépasser 1,045 % du PIB européen.