L’impasse Collaborative

Pour une véritable économie de la coopération – Éloi Laurent

L’intervention d’Éloi Laurent lors du 19e Colloque Professionnel Ipse a particulièrement et positivement marqué les esprits. Nous vous proposons donc la lecture de son dernier ouvrage : L’impasse collaborative aux éditions Les liens qui libèrent.

 

Le concept de coopération, considéré comme le moteur du progrès de l’humanité, est au cœur du livre d’Éloi Laurent. Ce qui nous distingue des animaux, c’est plus particulièrement l’ampleur et la profondeur de cette coopération sociale. Or aujourd’hui, cette coopération a été peu à peu remplacée par la collaboration. Tandis que la coopération représente une intelligence collective à but illimité, la coopération est mise en place de façon ponctuelle pour un but précis et ne peut aboutir à des créations inattendues. Cela freine donc l’innovation sociale.

 

L’auteur dénonce une crise de la coopération. Déjà, dans les années 1950 er 1960, on doutait de la capacité des systèmes sociaux à engendrer des comportements coopératifs et à la pérenniser. De nos jours, cette crise est multiple. La course à la rentabilité nuit à la coopération désintéressée, ainsi par exemple, la recherche est soumise à des exigences de productions de publications au détriment de la qualité. Cette crise est aussi due en partie à ceux qu’il nomme les « passagers clandestins », ces individus qui font fi des règles collectives (système social et fiscal) et qui bénéficient d’une complaisance des pouvoirs publics. Cette non coopération des individus conduit à un affaiblissement du consentement à l’impôt. La solitude est également un nouveau fléau bien évidemment nuisible à la coopération et renforcée par la transition numérique. En effet, l’enquête du Bureau of Labor Statistics, cité dans l’ouvrage, a mesuré le temps de sociabilisation des américains (hors travail et repas) et il en résulte que ce temps s’élève à 39 minutes par jour contre 3 heures devant les écrans. Cette chute du capital social entraine dans son sillage une baisse de la participation démocratique et mène vers une dégradation de la vie publique. Ainsi l’auteur expose également les méfaits de la révolution numérique sur la coopération et nous amène à un questionnement sur le digital et notre rapport au temps.

 

La coopération, c’est aussi prendre en considération le respect des biens communs. Notre environnement en fait partie. L’obsession pour la croissance et l’omniprésence des écrans détournent notre regard de la dégradation de la biosphère. C’est pourquoi l’auteur prône une décélération de la transition numérique au profit d’une accélération de la transition écologique.

 

Ainsi, à travers le prisme de la coopération, Éloi Laurent aborde les diverses crises qui caractérisent notre société actuelle : de la crise des inégalités à la crise environnementale, et propose des solutions. Ce livre suggère donc trois voies pour reconquérir les imaginaires et reconstruire les institutions de la coopération. Il dénonce également les idées reçues qui nous encombrent et empêchent d’avancer. Nous vous invitons donc à lire cet ouvrage pour connaître ses préconisations. La coopération est une source essentielle de la prospérité humaine et mérite d’être défendue ! « On est frères en quelque chose qui nous dépasse… car c’est ce qui nous dépasse qui nous rassemble ». Régis Debray.

 

Myriam Serres