Mais pourquoi faut-il voter aux élections européennes ?

Ancien secrétaire général adjoint à la Confédération européenne des syndicats (CES), et Responsable du Dialogue Social, Jean Lapeyre a notamment négocié des accords interprofessionnels, dont certaines sont devenues des directives (Congé parental, travail à temps partiel, contrats à durée déterminée, etc.). Conseiller Social auprès de l’Ambassade de France à Rome il a été également Conseiller spécial auprès du Secrétaire Général du Comité Economique et Social Européen. Il est actuellement membre du Conseil d’orientation de l’Ipse. Très présent dans la vie de notre association, Jean Lapeyre nous livre son regard sur les élections européennes.

 

Je regarde avec beaucoup d’appréhension l’échéance des prochaines élections européennes. L’Union européenne a été si faible, voir si défaillante, pendant la crise financière, pendant la crise des réfugiés et des migrants et enfin pendant la crise de l’économie réelle dont nous ne sommes pas encore sortis.

 

Ce qui est sûr c’est que les extrêmes iront voter à l’extrême gauche ou à l’extrême droite non pas pour ou contre l’Europe mais pour ou contre leurs gouvernants, alors que tous les déçus de l’Europe s’abstiendront.

 

Faut-il désespérer de cette Union ou au contraire s’engager à nouveau pour cette ambition de la réalisation d’un espace pacifié, démocratique, économiquement performant, respectueux de l’environnement et socialement juste.

 

Ma réponse est oui à cette ambition mais comment vous convaincre ?

 

Je vous parle d’un espace européen pacifié. Bien sûr pour moi qui suis né en 1943, élevé par mon grand-père qui avait fait la guerre de 14-18 et par mon père qui avait fait la deuxième guerre mondiale, deux guerres effroyables qui avaient dévasté notre continent, le mot « paix » a une signification. Mais pour les moins de 50 ans qui vivent en paix dans cette Communauté européenne depuis 1957, que veut dire ce mot ? La paix est-elle à jamais gagnée ? N’oublions pas qu’une guerre terrible était à nos portes dans les années 90 dans les pays de l’ex Yougoslavie. Et ces pays sont des membres de l’Europe et pour certains déjà dans l’Union européenne ! N’oublions pas que la barbarie n’est jamais loin et que la paix doit toujours être défendue comme un bien précieux.

 

Je vous parlais aussi d’un espace démocratique. Pour ceux qui ont connu la fin de la dictature des colonels grecs des années 60/70, puis la fin du fascisme en Espagne avec enfin des élections libres en 1977 après 40 années de franquisme, et aussi la fin du fascisme au Portugal avec le dictateur Salazar depuis 1933 pour finir en 1974 avec la révolution des œillets, le mot « démocratie » à un sens profond à travers l’Union européenne. Cette Union qui aida ces pays à sortir de leurs dictatures, à développer leur démocratie et à dépasser leurs retards économiques et sociaux. Mais, pour les moins de 40 ans, que veut dire ce mot ? Pourtant la démocratie est une valeur fragile, il n’y a qu’à voir les dérives des gouvernement hongrois et polonais, la montée de partis ultra nationalistes et xénophobes dans beaucoup de pays européens. Constater le développement de partis néonazi comme l’AFD en Allemagne ou franquiste comme Vox en Espagne donne froid dans le dos et montre combien la démocratie peut être mise à mal rapidement si on n’est pas vigilants.

 

Parlons aussi de l’espace économique et social, qui boite sérieusement entre intégration économique et retards sociaux, sans parler de l’Euro qui a été, jusqu’à la crise, considéré comme un objectif de contrôle budgétaire plutôt que comme un instrument au service du développement économique et de l’emploi. Oui l’Union est critiquable d’avoir négligé sa dimension sociale, d’avoir laissé se développer des inégalités croissantes et un taux de pauvreté terrible, avec une jeunesse qui subit une grande précarité. Les dix années de la présidence de Barroso à la Commission européenne durant les crises successives ont été catastrophiques.

 

Un timide retour du social s’est développé avec la Commission Juncker mais on est loin du compte et le dialogue social entre la Confédération européenne des syndicats et le patronat de BusinessEurope doit retrouver le chemin de résultats concrets et tangibles pour les citoyens européens.

 

Alors que dire aux moins de 30 ans pour les convaincre de voter aux prochaines élections européennes des 23 au 26 mai prochain.

 

Je crois que ces moins de 30 ans n’ont pas besoin d’être convaincus ce sont eux qui portent notre avenir. Les jeunes sont à la pointe du combat pour défendre notre planète, pour une société plus juste et un développement durable respectueux de notre environnement. Ce sont eux qui nous montrent la voie d’une Union européenne porteuse de ces valeurs alors que nous sommes devenus désabusés et défaitistes.

 

Oui, nous avons tous une bonne raison pour voter pour cette Europe : pour la paix, pour la démocratie, pour la justice sociale et une croissance productrice d’emplois et respectueuse de l’environnement. Une Europe exemplaire et solidaire !

 

Jean Lapeyre