Pesticides et santé, l’enquête

Enjeux d’influences ? Manipulations ? Un mystère entoure les effets des pesticides sur la santé. Pourquoi la Commission autorise une substance soupçonnée d’être cancérogène ? Pourquoi certaines études ne sont-elles pas rendues publiques ?  Essayons de faire la part des choses.

 

De nombreuses études ont été réalisées pour évaluer les effets des pesticides  sur la santé. Quelques liens ont déjà été établis. Par exemple,  un décret français du 7 mai 2012 officialise l’incidence des pesticides sur la maladie de Parkinson chez les agriculteurs. Cette maladie est donc inscrite au tableau des maladies professionnelles du régime agricole.

 

L’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments) et l’Anses (Agence Nationale de sécurité sanitaire) sont toutes deux chargées d’établir ce lien. Un débat a éclaté autour de la fiabilité de ces études notamment au sujet de la dangerosité du glyphosate, principale substance active du désherbant Round Up.

 

Le débat sur le glyphosate se cristallise autour des probables effets sur la santé de cette substance. La prolongation de l’autorisation de ce produit avait suscité de nombreuses controverses notamment entre les pays membres qui n’avaient pas pu parvenir à un accord. La France par exemple s’opposait à la ré-homologation à cause des suspicions de ses effets de perturbateurs endocriniens. Son caractère cancérogène est aussi mis en cause. Le 20 mars dernier,  l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé)  annonce dans la revue The Lancet Oncology avoir classé le glyphosate dans la catégorie 2A – c’est-à-dire « cancérogènes probables ». Cet avis semble contredire celui de l’Efsa dont les études concluent  qu’il est « improbable que le glyphosate constitue une menace cancérogène pour l’homme.

 

Bernhard Url, directeur exécutif de l’EFSA, s’exprime sur cette question dans une interview accordée au quotidien Le Soir. Il éclaircit cette contradiction en expliquant que tout est dans l’utilisation que l’on fait du glyphosate. Si cette molécule est bien utilisée en tenant compte des bonnes pratiques, elle «  n’offre pas un risque inacceptable pour la santé humaine » (On note tout de même l’usage du terme « pas inacceptable »).

Mais dans ce cas, n’importe quel produit toxique pourrait être mis sur le marché, tant qu’il est utilisé avec parcimonie…

 

Le glyphosate est diabolisé mais selon lui, le vrai débat n’est pas scientifique mais politique et concerne la manière dont l’agriculture, la biodiversité ou l’économie agricole doivent être gérés. Or cela va au-delà des attributions de l’Efsa. Certes, c’est une vraie question de savoir quelle orientation donner à notre modèle agricole.

Veux-t-on privilégier une agriculture extensive et à fort rendement quitte à endommager notre environnement et notre santé ? Au contraire, les études de l’Efsa pourraient être déterminantes dans ce débat ! Elles pourraient être le point de départ d’une prise de conscience généralisée des dangers des phytosanitaires, l’Efsa pourrait initier un changement collectif des comportements à travers ses résultats.

 

En outre, des critiques se sont levées contre les prétendus liens entre l’Efsa et l’industrie, ce qui nuirait à l’objectivité des experts et donc à la fiabilité des études. Or, dans cette interview, le directeur de l’Efsa expose toutes les précautions prises pour que les chercheurs soient le plus neutres et objectifs possibles, quitte même à les mettre en quarantaine s’ils ont travaillé dans l’industrie !

 

Si ces experts si compétents ont parlé, faudrait-il croire à l’innocuité du glyphosate? C’est sans compter l’influence des lobbys.