Peut on encore espérer un statut de la mutuelle européenne ?

Dès 1992, la Commission européenne avait lancé un travail de réflexion en proposant trois textes portant sur des statuts respectivement de société coopérative européenne, d’association européenne et de mutuelle européenne. En juillet 2003, le Conseil des ministres adoptait le statut européen de la coopérative, qui augurait une adoption prochaine d’un statut similaire pour les associations et la mutualité. Pourtant, six ans plus tard, rien n’a avancé. Au contraire, la Commission européenne a décidé en septembre 2005 le retrait de ces deux propositions parmi 60 autres textes dans le cadre de son approche « mieux légiférer ».
Ces textes devaient à l’origine permettre à ces trois formes de sociétés de se doter d’un statut juridique leur permettant de développer leur activité transfrontalière à travers toute l’Europe. Un statut de mutuelle européenne (SME) pourrait ainsi permettre aux mutuelles des différents pays de mieux coopérer et davantage représenter les valeurs qui leur sont chères – démocratie, solidarité et non lucrativité -, dans l’optique de constituer un marché unique de la protection sociale.

Pourquoi un tel retrait de la proposition ?

La Commission a tout d’abord constaté les différences historiques et fonctionnelles entre les mutuelles de chacun des pays, chose qui a posé un certain nombre de problèmes quant à l’élaboration d’un statut commun au Conseil des ministres. Par ailleurs, le Parlement notamment souhaitait que l’on distingue par des statuts différents les mutuelles de santé et les mutuelles d’assurances. L’absence d’accord entre les différents acteurs a finalement amené la Commission a abandonné le projet.
Suite au retrait de la proposition, de nombreuses associations professionnelles se sont émues.  L’AISAM (Association internationale des sociétés d’assurance mutuelle pour les assureurs), l’ACME* (« Association of cooperative and mutuals insurers » pour les assurances de biens) et l’AIM (Association internationale de la mutualité pour les mutuelles de santé) ont décidé de poursuivre leur travail sur la question et ont publié en décembre 2007 une proposition de statut de la mutualité européenne, dans le but d’amener la Commission à se saisir de nouveau du sujet. De nombreux parlementaires se sont également indignés du retrait du SME et se sont rangés du côté des mutualistes pour faire remettre sur rail la proposition. La Commission a toutefois refusé de s’attaquer de nouveau à ce statut.

Quelles perspectives pour le SME ?

Aujourd’hui, le statut de mutuelle européenne a disparu de tous les grands chantiers. Aucune présidence du Conseil n’a jusque là avancé sur le dossier, malgré la décision de la présidence française de mettre ce sujet à l’ordre du jour. Toutefois, le statut de mutuelle européenne est réapparu dernièrement au Parlement dans un rapport sur l’économie sociale : certains députés semblent donc encore décidé à relancer ce statut à terme. Outre le Parlement, le Comité économique et social européen (CESE), réuni les 29 et 30 octobre 2009 en session plénière, a adopté l’avis de Miguel Angel Cabra de Luna, conseiller espagnol pour les fondations, sur la diversité des formes d’entreprendre. Ce texte invite la Commission européenne à entreprendre notamment des travaux visant à approuver des statuts européens distincts pour les associations et les mutuelles.
Il reste maintenant à espérer que les nombreuses voix faisant valoir la nécessité d’un statut de la mutuelle européenne se fassent entendre dans les prochains mois et que la Commission européenne  relance enfin sa proposition.


* L’AISAM et l’ACME ont fusionné en janvier 2008 pour donner l’AMICE (Association of Mutual Insurers and Insurance Cooperatives in Europe)