Quand Orban s’attaque à la protection sociale

 

Des manifestants à Budapest, le 2 janvier 2012 s'opposent à la nouvelle constitution de la Hongrie, entrée en vigueur la veille. afp.com/Attila Kisbenedek

La situation de la Hongrie, qualifiée d’extrêmement préoccupante concernant la dégradation des libertés et, plus significativement, l’importante régression de la démocratie dans la nouvelle constitution, a fait l’objet de débats intenses au Parlement européen, en présence du premier ministre hongrois Viktor Orbán. Par ailleurs, des mesures sont prises ou susceptibles de l’être par la Commission européenne.

Ainsi celle-ci n’exclut pas de geler les fonds de cohésion auxquels la Hongrie a droit si le pays ne tient pas ses engagements budgétaires. La Hongrie connaît le déficit le plus préoccupant parmi les 5 Etats membres visés par les actuelles procédures communautaires en vue de réduire leur déficit (Belgique, Chypre, Malte, Pologne et Hongrie). Le pays ne faisant pas partie de la zone euro, il n’est pas soumis aux mêmes règles, aussi la suppression des fonds est envisagée.

Sur le plan social, il est certainement utile de faire un lien de cause à effet avec la réforme constitutionnelle. A l’origine de cette nouvelle constitution liberticide, le fait déclenchant n’est pas celle de questions des valeurs, de droit et de démocratie.

En septembre 2011, le Parlement Magyar a voté une taxe sur les indemnités de licenciement perçus par les fonctionnaires et les salariés du secteur public. Les personnes percevant une indemnité supérieure à 10000 euros doivent en reverser 98%, et ceci avec effet rétroactif.
La Cour constitutionnelle a déclaré que cette mesure était anticonstitutionnelle. En représailles, le gouvernement a fait voter grâce à sa majorité (2/3 des élus) une révision des missions de la Cour, au départ l’excluant de tout regard sur les finances pour en arriver à la suppression de la République !

Par ailleurs, et sur le sujet de la protection sociale, dans une de ses dernières livraisons, l’excellent site Metis – Correspondances européennes du travail – a présenté l’essence de la loi du 21 décembre 2010 nationalisant les fonds de pensions. Citons Metis :

« La retraite repose sur trois piliers : étatique, privé depuis 1997 et volontaire. Toutes les personnes entrées sur le marché du travail à partir de 1997 adhéraient obligatoirement à une caisse privée. L’argent y affluait, alors que l’État voyait fondre sa propre caisse. Sachant l’importance de cette épargne privée (1% du PIB), la Hongrie a cherché à convaincre l’UE de l’autoriser à avoir un déficit supérieur à 3%. L’UE a refusé.

Comment récupérer cet argent pour renflouer les caisses de l’Etat ? Empêcher les Hongrois de cotiser dans le privé. « En novembre, le gouvernement a décidé de laisser le choix de rester dans le privé, mais 75% des cotisations retraites sont versés par l’employeur, qui ne peut cotiser qu’à la caisse étatique. D’ici la fin du mois de janvier, les Hongrois doivent faire une démarche auprès de leur caisse de retraite, sinon leurs cotisations seront automatiquement orientées dans le giron de l’État. Trois millions de personnes concernées. Le gouvernement fait ainsi main basse sur 3000 milliards HUF (11 milliards EUR). Une partie des sommes tombera dans l’escarcelle du budget central, l’autre pour recouvrir la dette publique (80% du PIB). L’État va respecter les critères de Maastricht en dépensant les fonds des caisses privées de retraites. Selon l’AFP, le budget 2011 pourrait enregistrer un excédent de 5% du PIB, contre un déficit de 3% sans cette réforme ! »

Selon la Commission européenne : «Les dernières annonces des autorités hongroises sur le système de retraite nous inquiètent. Elles semblent aller vers la suppression totale des caisses de retraites privées obligatoires ». La Commission « serait préoccupée si l’argent accumulée dans les fonds de pension servait à financer les dépenses courantes, comme cela semble être le cas ».

Pour le professeur à l’Université ELTE de Budapest, Tamás Guylavári, « Le droit communautaire sur les fonds de pension ou sur la rupture du contrat de travail n’existe pas, donc il est impossible de saisir la Cour de Justice Européenne »
Il poursuit : « Sur les médias, ce qui se passe est très choquant pour un juriste. Le gouvernement est très intelligent, il utilise tous les moyens possibles (notamment les vides juridiques du droit communautaire) à des fins peu louables. Conseillé par des cabinets d’avocats indépendants, il change la loi en une ou deux semaines en court-circuitant le processus législatif habituel »

Le plus préoccupant est le péril couru par les pensionnés et futurs pensionnés d’une extinction de leurs droits. Les caisses de retraites se sont tournées vers la Cour européenne des Droits de l’homme.