Résiliation des contrats santé : un report en trompe l’œil ?

 

 

 Après que le CTIP, la FNMF et la FNIM aient exprimé leur opposition au projet d’amendement gouvernemental concernant la résiliation des contrats d’assurance en complémentaire santé, le ministère de la Santé a finalement annoncé le vendredi 25 janvier le report de cette mesure controversée. Le cabinet d’Agnès Buzyn a notamment argué de contraintes juridiques pour justifier ce report. La résiliation des contrats santé sera toutefois examinée par le Parlement par un autre « véhicule législatif » avance le cabinet de la ministre. Appuyés par les organisations syndicales représentatives, organismes mutualistes et paritaires demeurent pleinement mobilisés contre une mesure jugée attentatoire aux principes de mutualisation et de solidarité.

 

 Récemment adopté par le Sénat, la loi PACTE[1] prévoyait dans un amendement la possibilité pour les particuliers et les entreprises de faciliter la résiliation de leurs contrats en complémentaire santé. Déposé par le gouvernement, cet amendement défendait la possibilité pour les assurés mécontents de changer de complémentaire santé au bout d’un an de contrat et non plus en fin d’année comme la loi le permet aujourd’hui. Depuis l’entrée en vigueur de la loi Hamon en 2014, cette possibilité de résiliation de contrat existe en matière d’assurance auto et habitation.

 

Ce projet d’amendement a suscité la colère et l’incompréhension des différentes familles non-lucratives de la protection sociale complémentaire. Choquées de ne pas avoir été consultées au préalable, le CTIP et la FNMF ont également dénoncé le fait qu’aucune étude d’impact préalable n’avait été réalisée pour étudier la faisabilité d’une telle mesure. Le 19 janvier, le CTIP publiait un communiqué dénonçant les conséquences de l’entrée en vigueur de cette mesure : « démutualisation, augmentation des coûts, impact sur les actions de prévention… Le CTIP rappelle en outre que les préavis de dénonciation tels qu’envisagés sont incompatibles avec la négociation des contrats collectifs, dont la Drees a pourtant souligné l’efficacité car ces contrats affichent aujourd’hui le meilleur taux de redistribution et les frais de gestion les plus bas du marché. »

 

Dans des termes très similaires, le président de la Mutualité Française Thierry Beaudet dénonçait également ce projet dans les colonnes du Parisien du 25 janvier. La veille, ce sont les organisations syndicales qui dans une lettre adressée à Agnès Buzyn, de l’impact d’une telle mesure « sur les cotisations et la négociation collective ».

 

Arguant de contraintes juridiques et d’un possible risque de censure par le Conseil constitutionnel, le gouvernement a finalement retiré son amendement, jugé trop fragile. Il se laisse toutefois la possibilité de soumettre au vote un amendement d’une même nature dans les semaines à venir, « via un autre véhicule législatif » selon le cabinet de Mme Buzyn. Thierry Beaudet a d’ores et déjà fait valoir que la FNMF demeurerait mobilisée contre « cette fausse bonne idée ».

« Une rupture de confiance » entre le gouvernement et les familles de la protection sociale non-lucrative est-elle en train de durablement se dessiner ? Mises sous pression par les annonces présidentielles du 18 décembre dernier, les complémentaires santé dénoncent régulièrement des « critiques excessives » de la part du gouvernement, notamment sur leurs frais de gestion.

 

L’Ipse, laboratoire de réflexion et d’échange des acteurs solidaires de protection sociale, organisera cette année plusieurs évènements autour de la nécessité de la place des corps intermédiaires et des acteurs de cohésion sociale dans l’élaboration de la norme. Les membres de l’Ipse, acteurs historiques du dialogue social, inscrivent leur action dans le long terme, associant l’efficacité de gestion et la pérennité d’un modèle social solidaire.

 

Camille Boucher

 

 

[1] La loi Pacte vise à simplifier la vie des entreprises, de leur création à leur liquidation. Les détails du projet de loi Pacte qui doit être voté en ce début d’année 2019.