Traité de Lisbonne…signé…mais à ratifier

Les 27 Chefs d’Etats et/ou de Gouvernements ont signé le 13 décembre à Lisbonne le Traité réformateur, désormais dénommé « Traité de Lisbonne ». Le Premier ministre du Royaume Uni, M. Gordon Brown s’est distingué en ne voulant pas signer le Traité en même temps que les autres responsables politiques, mais bien à part…Seul le premier Ministre polonais Donal Tusk a signé le Traité ainsi que son Ministre des affaires étrangères, malgré la présence du Président polonais. Mauvais signes pour l’unité de la famille…

Il faut maintenant qu’il soit ratifié par les 27 Etats membres de l’Union européenne d’ici à la fin de l’année 2008. Tous les Etats membres ont décidé, pour ce faire, de procéder à sa ratification par la voie parlementaire, y compris le Luxembourg et l’Espagne qui avaient ratifié le projet de Traité constitutionnel par voie référendaire. La Hongrie – la première – moins de 4 jours après la signature du Traité a procédé à sa ratification par 325 voix, contre 5. Seule, l’Irlande ratifiera le Traité de Lisbonne par référendum en mai/juin 2008, procédure liée à une stricte obligation constitutionnelle.

La France veut faire vite, pour procéder à la ratification du Traité comme signe positif envoyé à ses partenaires. Cela devrait être réglé le 4 février prochain. Certains, dans ce pays comme au Pays Bas, vont mettre l’accent sur la nécessité de procéder par référendum, ne privilégiant pas ainsi le nécessaire débat de fond sur le contenu de ce Traité et surtout sur la nécessité de le considérer comme une étape et un point d’appui pour continuer à ce que la société civile organisée intervienne et agisse sur les politiques européennes, notamment sur leur dimension sociale.
Parmi les nombreux titres et chapitres de ce Traité, retenons en un :

Des acquis en matière sociale :

La charte des droits fondamentaux, proclamée solennellement à Lisbonne acquiert une valeur juridique, dont la portée concerne les actes de l’Union :

  • Liberté professionnelle et de droit de travailler,
  • Droit à l’information et à la consultation des travailleurs au sein de l’entreprise,
  • Droit de négociations et d’actions collectives,
  • Protection en cas de licenciement injustifié

Des objectifs sociaux nouveaux deviennent contraignants :

  • le plein emploi et le progrès social,
  • la lutte contre l’exclusion sociale et les discriminations,
  • la promotion de la justice,
  • l’élimination de la pauvreté, etc.

Une clause sociale doit être mise en œuvre dans toutes les politiques de l’Union, ce qui signifie que toute « loi » européenne ne prenant pas en compte cette dimension pourra être annulée par la Cour de justice.
Le rôle des partenaires sociaux est réaffirmé et le dialogue social renforcé.
Des possibilités de décision à la majorité (plutôt qu’à l’unanimité) en matière sociale sont étendues, (l’extension de la majorité qualifiée aux prestations sociales pour les travailleurs se déplaçant au sein de l’Union européenne, et la possibilité pour le Conseil européen de décider de passer à la majorité qualifiée dans un certain nombre de domaines tels que l’adoption de mesures visant à améliorer la coopération entre États membres sur la protection des travailleurs en cas de résiliation du contrat de travail, la représentation et la défense collective des intérêts des travailleurs et des employeurs, les conditions d’emploi des ressortissants des pays tiers se trouvant en séjour régulier sur le territoire de l’Union. )

Le Traité de Lisbonne dote enfin les services d’intérêt économique général d’une base juridique permettant aux institutions européennes de définir les principes et les conditions qui régissent leur mise en place et fonctionnement.

Les partenaires sociaux font entendre leur voix… :

La Confédération Européenne des Syndicats « regrette que le Royaume Uni et la Pologne aient choisi de ne pas ratifier la charte des droits fondamentaux ». Elle considère cependant que « l’Union européenne est sortie de l’impasse de deux ans de blocage et qu’elle doit saisir l’occasion que lui offre la signature du Traité de Lisbonne pour aller de l’avant et obtenir de meilleurs résultats en matière de politiques sociales. »

Précédent le Conseil européen de Lisbonne, la CES a fait entendre sa voix lors de la réunion des partenaires sociaux au plus haut niveau : « La CES a vivement incité le Conseil européen à suivre l’exemple des ministres de l’emploi, du Parlement européen et des partenaires sociaux pour adopter une approche équilibrée à l’égard des principes communs en matière de flexicurité. La CES constate avec plaisir que la flexicurité n’est plus confondue avec le licenciement facile des travailleurs. »

Elle a également remis au Président de la Commission européenne une pétition de 510 000 signatures en faveur d’une directive à propos des services publics mais s’est vue répondre par une fin de non recevoir.
Après avoir activement soutenu la réforme de ce Traité afin d’assurer que l’UE élargie possède l’encadrement institutionnel, le processus de décision ainsi que les bases légales nécessaires pour atteindre ses objectifs, BUSINESSEUROPE se réjouit de la signature du Traité de Lisbonne et plaide pour une ratification rapide : « A BUSINESSEUROPE, nous avons mis les aspects institutionnels au cœur de nos priorités car, comme dans les entreprises, la bonne gouvernance est une clé pour réussir les stratégies. Nous avons besoin à présent d’une ratification rapide de ce Traité afin de permettre à L’Europe de se concentrer sur la réussite de ses objectifs économiques et sociaux » a déclaré le président de BUSINESSEUROPE.

les citoyennes et citoyens aussi :

En France, notamment, l’association « Sauvons l’Europe » a écrit une lettre ouverte aux parlementaires français et européens ainsi qu’aux sénateurs français à propos de la ratification du Traité de Lisbonne. Ce texte est une bonne base pour l’information et les débats nécessaires d’ici à la ratification du Traité. Il est proposé à la signature de toutes celles et de tous ceux qui veulent faire entendre leurs voix. Voir le site de sauvons l’Europe : www.sauvonsleurope.org Vous pouvez aussi demander le texte en écrivant à « Sauvons l’Europe » – 4, place de Valois – FR – 75001 – Paris.

Plus que jamais les ambitions de la poursuite de la construction d’une Europe solidaire, généreuse, citoyenne, ouverte au monde nécessitent notre action quotidienne.

Jean-Pierre Bobichon
Ancien fonctionnaire européen
Administrateur de l’IPSE