Travail détaché : l’impossible compromis ?

 

 

Réunis à Luxembourg le 15 juin 2017, les 28 ministres du travail de l’Union européenne ne sont pas parvenus à un accord sur la révision de la directive encadrant le travail détaché. Le projet présenté par la Commission a notamment été critiqué par la France et l’Allemagne pour son manque d’ambition. Les Pays de l’Est ont pour leur part regretté « l’intransigeance » du couple franco-allemand. Sur ce dossier très sensible, la Commission espère un accord à un prochain Conseil des ministres du travail de l’UE, prévu le 23 octobre.

 

Intransigeance française ? Pour nombre d’États membres ayant participé au dernier conseil des ministres du travail de l’UE, la France est responsable de l’échec des négociations autour de la révision de la directive européenne sur le travail détaché. Depuis le printemps 2016, la Commission tente de trouver un compromis sur la refonte de ce texte datant de 1996. Accusée d’encourager le dumping social, comme nous vous en avons informés dans nos publications, la directive fait l’objet de vives critiques dans les principaux pays pourvoyeurs de travailleurs détachés (Allemagne, France, Belgique).

 

Le projet défendu par la Commission prévoit notamment d’aligner les rémunérations des travailleurs détachés sur ceux de la main d’œuvre locale. Quant aux cotisations sociales, elles restent versées dans le pays d’origine des travailleurs. Très réticents devant cette refonte du texte, des Pays d’Europe centrale et orientale avaient usé l’an passé d’une procédure dite de « carton jaune » pour contraindre l’exécutif européen à revoir sa copie.

 

Sans remettre en cause le principe du travail égal/salaire égal, l’exécutif européen a donc soumis un texte corrigé à la marge au conseil européen des ministres du travail. Un texte trop peu ambitieux pour la France qui, appuyée par l’Allemagne, a fait des propositions pour des contrôles plus rigoureux en matière de fraude, une limitation de la durée du détachement à un an au lieu de 24 mois ainsi qu’une lutte plus accrue contre les sociétés boites aux lettres. Les critiques des pays de l’Est se sont notamment portés sur la volonté française d’assimiler leurs routiers à des travailleurs détachés. Rejoints sur ce point par l’Espagne et le Portugal, les pays du « groupe dît de Višegrad (République tchèque, Slovaquie, Hongrie et Pologne) ont jugé que la France « allait trop loin ».

 

Les propositions françaises ont également suscité l’embarras de la Commission. Par la voix de sa commissaire aux affaires sociales, Marianne Thyssen, qui a affirmé que « le mieux peut être l’ennemi du bien » et souligné l’urgence de trouver un compromis. Le ministre belge du travail, Kris Peeters, a quant lui indiqué que les exigences françaises risquaient de déboucher sur « une situation explosive » vis-à-vis des pays de l’Est.

 

Les chances d’aboutir à un compromis au mois d’octobre 2017 s’avèrent minces à moins que la France revoie sa position, en transigeant notamment sur la durée du détachement. Plus offensive que sous le mandat de François Hollande, la position française s’explique pour partie par la perception désastreuse du travail détaché dans l’opinion hexagonale. Sujet de débat régulier lors des dernières élections présidentielles, le détachement des travailleurs est un des facteurs qui expliquent la mauvaise image de l’Union Européenne (UE) auprès des citoyens français.