TTIP : La cour de justice européenne rappelle la Commission à ses obligations démocratiques

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Saisie par plusieurs organisations citoyennes, la Cour de justice européenne vient d’annuler le refus de la Commission d’enregistrer la proposition d’initiative citoyenne « STOP TTIP ». Déposée en juin 2014, cette ICE[1] avait pour objectif de mettre fin aux négociations des deux traités transatlantiques CETA et TTIP. Prétextant une « immixtion[2] inadmissible », l’exécutif européen avait refusé d’enregistrer cette proposition qui aurait dû l’amener à poser la question de la poursuite des négociations à l’ensemble des Etats membres. Les juges du tribunal de l’UE ont estimé que cette ICE permettait aux citoyens européens de s’impliquer d’avantage dans le débat démocratique. A l’heure où l’avenir du TTIP semble en suspens, cette décision conforte la volonté de ses opposants en cas de reprises de négociations UE/Etats-Unis.

 

C’est un chapitre supplémentaire dans le long bras de fer qui oppose la Commission européenne et les ONG environnementales et citoyennes. Le refus de l’exécutif européen d’enregistrer l’ICE « Stop TTIP » en juin 2014 vient d’être annulé ce 10 mai après saisine de la Cour de justice européenne. Pour rappel, l’ICE est un dispositif né suite au Traité de Lisbonne, donnant un droit d’initiative politique à un rassemblement d’au moins un million de citoyens de l’Union européenne, venant d’au moins un quart des pays membres. La Commission européenne peut ainsi être amenée à rédiger de nouvelles propositions d’actes juridiques de l’Union dans les domaines relevant de ses attributions, mais n’y est pas forcée.

 

La proposition déposée en 2014 demandait notamment au Conseil européen de retirer le mandat de négociateur de la Commission dans le cadre d’accords commerciaux internationaux.  Les opposants au TTIP faisaient notamment valoir que l’opacité des discussions, le rôle controversé des tribunaux d’arbitrage, et les inquiétudes sur les conséquences écologiques d’un tel accord, justifient l’arrêt des négociations. Le refus de la Commission d’enregistrer cette proposition était motivé par le fait qu’elle se situait en dehors du cadre de ses attributions. Cette décision avait privé le collectif Stop TTIP de la possibilité de collecter le militions de signatures rendant possible la formalisation de son ICE et l’obligation pour la Commission de prendre en compte les propositions qu’elle contenait.

 

Dans leur arrêt, les juges de l’Union européenne ont rejeté les arguments de la Commission, en vertu du respect des principes démocratiques. Ils ont notamment défendu l’idée que l’on ne pouvait pas exclure les citoyens de la discussion d’accords commerciaux susceptibles de bouleverser l’ordre juridique de l’UE.  Ils ont également rejeté l’idée que l’enregistrement de cette ICE aurait attenté à l’équilibre institutionnel de l’UE. Pour eux, la Commission aurait pu profiter de cette occasion pour rediscuter avec les Etats membres de son mandat de négociateur et ainsi gagner en légitimité dans la conclusion d’accords internationaux.

 

Suite à cet arrêt, les collectifs anti-TTIP ont salué la « leçon de démocratie » adressée par la Cour de justice à la Commission. Cet arrêt pourrait contraindre la Commission à plus de transparence dans le cadre d’une éventuelle reprise des négociations.

 

Si le devenir du TTIP est très incertain depuis l’élection de Donald Trump, de récents signaux indiquent qu’un accord de libre-échange UE/USA n’est toutefois pas à exclure dans les prochaines années. Le président américain est en effet poussé par plusieurs figures de son administration, des cadres du Parti Républicain de retourner à la table des négociations avec l’UE. Lors de leur première rencontre au mois de Mars, Angela Merkel dit avoir obtenu de lui un revirement de ses positions initiales sur le TTIP. Dans sa volonté d’affaiblir commercialement la Chine, Donald Trump pourrait bien s’appuyer sur l’UE dans les années à venir.

 

Sur ce sujet, l’IPSE se réjouit de compter sur la participation de Pierre Defraigne, économiste de formation, directeur honoraire de la Commission européenne et membre du Collège d’Europe, à notre 44ème Rencontre européenne prévue les 31-aout et et 1er septembre à Edimbourg. Auteur de nombreuses contributions dans les médias européens sur les traités transatlantiques, Pierre Defraigne s’est imposé au fil des années comme un défenseur d’accords commerciaux négociés qui seraient réellement négociés dans l’intérêt général.

 

[1] ICE : ‘initiative citoyenne européenne permet à un million de citoyens de l’UE de participer directement à l’élaboration des politiques européennes, en invitant la Commission européenne à présenter une proposition législative.

[2] Immixion : L’immixtion est le terme juridique qui désigne a la fois la transgression d’une règle, et le résultat d’un acte interdit.